Quelques disciples sénégalais du Cheikh Sidi Hamza al-Qadiri al-Boutchichi, Maître actuel de la Tariqa Qadiriya Boutchichiya, se sont rendus à Madagh, siège de la Tariqa, au Nord-Est du Maroc, pour y célébrer Leylatoul Qadr, la nuit du destin. Cette Tariqa permet aujourd’hui de vivre un Islam complet, exotérique et ésotérique, selon l’enseignement du prophète Mohammed (Saw) dans la tradition de Sidi Abdel Qadir Jeylani, ancêtre direct du Cheikh actuel, Sidi Hamza al-Qadiri al-Boutchichi.
A leur arrivée ils sont accueillis chez le fils aîné de Sidi Hamza, Sidi Jamal, qui reçoit les Mouridines (disciples) étrangers. Après quelques embrassades avec les disciples présents (des Mouridines de Bagnolet en banlieue parisienne), direction la grande salle de la Zawiya mère pour les invocations qui précèdent la prière de Dhuhr : invocation du nom Allah à haute voix puis lecture de la sourate Sabbihisma Rabbikal A’la.
Dès la prière terminée, on lit en commun et à haute voix un Hizb (un soixantième du Coran) puis on fait la Wadhifa. On récite ensuite silencieusement le Dalaïl Khayrat (recueil de prières sur le prophète (Saw). On sent immédiatement l’intensité des invocations par une chaleur enveloppante.
Après la prière de ‘Asr on peut assister a des cours de Fiqh (droit musulman), puis c’est la rupture du jeûne et la prière de Maghreb. Les Mouridines viennent de Thaïlande, du Mali, du Yémen, ou encore d’Angleterre ; on constate que le monde entier est représenté.
A la fin la prière de ‘Icha et des Tarawihs (Nafilé), on se retrouve à la salle du Latif, aménagée spécialement pour les invocations du Nom Al Latif qui a une place particulière dans la Tariqa. Cette fois, à la différence des années précédentes, l’invocation du nom Al Latif se fait à haute voix. Sidi Hamza a donné depuis peu l’autorisation (Idhn, Ndigal) de pratiquer ainsi le Latif. C’est encore une manifestation du caractère vivant de cette Tariqa, par la présence physique du Maître qui adapte continuellement l’enseignement spirituel à l’époque. Autre changement, ceux qui participent au Latif s’assoient sur des draps blancs.
D’autre part, depuis la Retraite spirituelle du mois d’août dernier (c’est avec le Mawlid, l’autre grand moment de rencontre à Madagh) les Mouridines doivent s’asseoir en cercle, en tailleur et ne pas s’adosser aux murs. Ceci est valable pour toutes les villes où se réunissent des disciples. Car l’Adab, c’est-à-dire, la politesse, les bonnes manières, est devenu une priorité avec le Dhikr en quantité. L’adage dit en effet : « Celui qui te dépasse en Adab (bonnes manières) te dépasse en spiritualité ». Cet Adab est nécessaire par respect pour la Présence divine dans les cercles d’invocations car un Hadith Qudsi (Hadith où Allah s’exprime par la bouche de son prophète (Saw) nous dit : « Je suis assis avec celui qui M’invoque ».
Ainsi, la Tariqa évolue rapidement et certains disent : « Seyed (Sidi Hamza) est "passé à la vitesse supérieure" et nous devons suivre si on ne veut pas être largué ».
Après le Latif qui dure environ deux heures, on passe directement au cimetière contigu pour y réciter Ya Sin à haute voix. Ici reposent les ancêtres de Sidi Hamza, des descendants directs de Sidi Abdel Qadir Jeylani, le célèbre fondateur de la Tariqa Qadiriya.
Dès Ya Sin terminée, on se retrouve de nouveau à la grande salle d’invocation qui fait office de mosquée, pour l’invocation du Ism (Nom d’Allah) à haute voix pendant une heure environ.
Le programme est chargé ; chacun s’accroche pour faire le maximum et bien se remplir avant le retour. Il faut aussi trouver le temps de faire son Wird quotidien matin et soir.
Le lendemain, 26ème jour du mois de Ramadan, le Latif se fait dès après la prière de Dhuhr, car le soir il y a la grande soirée de Leylatul Qadr. Puis après la prière de ’Asr, les Mouridines se préparent pour la visite, Ziarra, de Sidi Hamza. Elle a lieu dans l’une des salles de la Zawiya mère. Le simple fait d’être en présence du Cheikh est suffisant.
Les Mouridines passent donc un à un devant Sidi Hamza et chacun reçoit selon sa capacité. Sidi Hamza dit à ce propos que le Mourid (disciple) doit essayer de conserver ce qu’il reçoit de son Cheikh pour ne pas revenir le voir dans le même état où il était la dernière fois. Il nous dit aussi que : « La Tariqa est basée sur le Dhikr, le service, la soumission à Allah Le Très Haut, le respect des principes fondamentaux et suivre les prescriptions ». La Ziarra du Cheikh est aussi un des piliers de la Tariqa.
Après la rupture du jeûne on se prépare pour la soirée de Leylatoul Qadr qui commence juste après ‘Icha et les Tarawihs. Au programme cette année, récitation individuelle de Ya Sin silencieusement, invocations à haute voix des noms divins Ar Rahman et Ar Rahim, Du’a Naciri (prières) et Qasidatul Munfarija.
Les Musammi’in (ceux qui font le Sama’, i.e. les chants spirituels) lisent ensuite quelques versets du Coran avec une intensité particulière qui provoque des Hals (états spirituels) chez certains Mouridines. Puis ils récitent quelques hadiths de Bukhari et lisent le Shifa de Qadi Iyad, avant les chants spirituels (Qassaïds) proprement dit. Les Mouridines sont saisis à l’unisson par des états spirituels qui s’expriment par des mouvements et des paroles rythmés d’une grande beauté. Un moment touchant est celui où Sidi Jamal prend le micro et verse des larmes au milieu d’une Qassida. La soirée se poursuit par une intervention d’un savant sur la spiritualité et se termine après de nouveaux chants.
Les Mouridines marocains se préparent à rentrer dans leurs villes par cars. Et les étrangers, retournent chez leur hôte. Ceux qui sont courageux font les Wadhifas d’avant Fajr et d’après Fajr, les autres s’empressent de se reposer après la prière de Fajr.
On se prépare pour le dernier jour. Le programme habituel du mois de Ramadan reprend. Il y a entre autre deux heures de Taqwiya (renforcement), récitation silencieuse de La ilaha illAllah et la lecture du Coran par paquets individuels de 5 Hizbs ; le soir c’est le Latif habituel.
On profite des derniers jours, pour faire quelques achats : chapelets Boutchichis de bois variés, nouvelles éditions de Dalaïl Khayrat, parfums, Abbayas traditionnelles, derniers CDs de Qassaïds, miel, huile d’argan, livres sur la spiritualité, etc. On sent que cette Tariqa insuffle le sacré, dans l’époque, de manière harmonieuse et belle. C’est une Tariqa de beauté.
En se promenant, on découvre un panneau qui annonce un nouveau projet de la Tariqa : la construction à Madagh de l’Université internationale Al Fath. Les Mouridines sont invités à participer aux frais de construction du complexe qui est déjà avancé. Le bâtiment doit encore se déployer sur deux ailes latérales surmontées de coupoles.
Quelques impressions des Sénégalais venus pour la première fois à Madagh : « C’est très intense ... En réalité au Sénégal les gens s’amusent ... ». Pour cet autre : « Je vais faire deux Raka’at spéciales et prier pour mon frère qui m’a parlé de Madagh. Et la prochaine fois que vous partirez [i.e. au Mawlid 2010], vous ne me laisserez pas là-bas ». Un autre dit : « En tout cas ici, il n’y a que Allah ».
Mor DIAGNE
http://www.lesoleil.sn/article.php3?id_article=56815
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