4) Les moyens intellectuels et spirituels pour atteindre la Réalité
Il est certain que la Réalité cachée ou la Connaissance divine ne s'acquiert pas par les écrits et la lecture. La Réalité est une lumière qui éclaire les cœurs et ne s'écrit pas dans les livres sauf pour être décrite. Or la description n'est pas la réalité. Le moyen d'atteindre cette Réalité est la communication spirituelle avec son univers si particulier, celui qui dépasse la logique et le mental. Contrairement à ce dernier, le monde spirituel n'est pas une créature et n'est pas limité. Compter sur la créature dont les sens sont limités pour atteindre un monde qui n'est pas une créature et qui est illimité c'est comme donner un coup dans le vent et écrire sur l'eau. Aucun des philosophes ou des intellectuels n'est arrivé à un résultat en cherchant dans ce sens, contrairement à ceux qui commencent le voyage spirituel là où se limitent les sens du mental. Ils emploient la force mentale pour étudier et exploiter la matière, et la force spirituelle pour aller au‐delà. Comme le montre l'expérience spirituelle de l'Imam Al‐Ghazali auprès d'un maître éducateur spirituel. Il a découvert ainsi sa propre réalité et s'est connu lui‐ même avant d'essayer de découvrir la réalité des autres.
C'est peut‐être la différence entre le travail du soufi et celui du philosophe. Le soufi commence par essayer de découvrir sa propre réalité à travers l'éducation spirituelle, la dépendance au Dhikr, la lecture du Coran et la communication des âmes. Après avoir connu l'ouverture de l'œil du cœur (Al‐bassira) avec lequel il perçoit la Réalité divine, il essaye de découvrir un monde de lumière qu'il ignore et où sa réalité rencontre celle de ses semblables. "Celui qui se connaît soi‐même connaît son seigneur" et celui qui ignore sa réalité ignore celle des autres et encore plus celle de son seigneur.
Quant au philosophe, il essaye de découvrir la réalité des choses, mentalement, dans le cadre qui l'entoure. Dès qu'il découvre une réalité, il s'y attache jusqu'à ce qu'il en découvre une autre qui la rend caduque. Il se met alors sans cesse à chasser les réalités comme le marin
qui pratique la pêche avec un filet troué, ce qui entre d'un côté sort aussitôt de l'autre. C'est ce qu'a voulu montrer l'Imam Al‐Ghazali après son expérience spirituelle dans son livre " L'incohérence des philosophes". Platon, le doyen de la philosophie grecque, a eu des opinions concernant le système de la vie: il a appelé à répandre la propriété et les femmes et à reconstruire le système familial comme solution aux litiges. C'est en fait le communisme qui a causé le désordre et créer les litiges, et qui a construit la dictature communiste. L'opinion de Platon veut faire comprendre que la philosophie est une pensée supérieure réservée pour les nobles et que la pensée économique est une science inférieure réservée aux esclaves. Or, l'expérience a montré que s'il n'y avait pas des esclaves qui travaillaient dans les champs, les nobles mourraient de faim.
Sont exclues des études de Platon des recherches enregistrées dans l'histoire et qui ont porté sur l'origine de l'organisateur de l'univers. Il a reconnu l'existence d'un organisateur supérieur qui voit tout et qu'on ne voit pas. Il s'est demandé: "d'où est‐ce qu'il s'est formé un tel système si parfait et entouré de magnificence et de majesté? Cela ne peut pas être du fait du hasard. Il est donc nécessaire de croire en l'existence d'un esprit supérieur, le créateur unique. La nature contient des traces qui, dans leur union, prouvent l'unicité du créateur qui exécute son ordre sans erreur. Il est présent et absent, il voit et n'est pas visible. Il est donc impossible de l'atteindre par les sens physiques. Il est comme le soleil qui arrive à tout le monde mais ne laisse personne le regarder. Mais comment s'appelle ce créateur? A‐t‐il un endroit comme le soleil ou est‐il présent partout?
La théorie du philosophe Platon a certes abordé le sujet sur la recherche d'un organisateur de l'univers, cependant, il ne connaissait pas un autre moyen pour arriver à la Connaissance cachée à part le mental. Selon le philosophe Marx, le mental, qu'il soit supérieur ou inférieur, est terrestre et ne se dissocie pas de la matière dont il est issue. L'homme naît sans sa force mentale, puis il commence à l'acquérir à travers la matière. C'est juste une force dont Dieu a doté l'homme pour qu'il soit capable de peupler la terre. Il l'a doté aussi de la force spirituelle afin qu'il puisse remplir son cœur par les sens nobles et éternels et avoir la possibilité de connaître son créateur dont il croit en l'existence préalablement. Dieu dit dans son Saint Coran : "Et Je n'ai créé les djinns et les hommes que pour M'adorer" (Az‐Zariat 51, verset 56), cela veut dire: "pour Me connaître". Le sort pour lequel les djinns et les hommes ont été créés est connaître Dieu et non pas l'ignorer. Dans un Hadith qudsi il est rapporté: "J'ai été un trésor bien caché, alors J'ai fait la création pour qu'elle Me connaisse". Si la connaissance de Dieu devait se faire avec la force mentale, les philosophes et les penseurs y seraient donc arrivés, bien avant les saints et les connaisseurs, et parmi eux des illettrés, qui ont atteint la connaissance divine avec leurs âmes bonnes et pures.
Platon a eu raison en disant qu'il existe un organisateur de l'univers qui voit tout sans être visible et qui exécute son ordre sans faute. Il est donc arrivé jusqu'à la porte de l'unicité et de la foi mais sans la franchir. Cependant, l'organisateur de l'univers n'est pas le mental même si le philosophe l'a qualifié de supérieur. Le mental a parfois raison mais se trompe aussi. C'est Dieu qui a créé cette force mentale, il a créé l'univers et l'a organisé et il a créé aussi la matière et l'âme. C'est avec l'âme qu'on atteint Sa Réalité et non avec le mental.
La Réalité suprême est celle que découvre l'invocateur dans son for intérieur. C'est la seule qui ne connaît pas le doute ou l'annulation. Elle n'est pas sujette au vrai et au faux comme le mental parce qu'elle provient de Dieu. Dieu ne transmet pas à ces adorateurs quelque chose de douteux ou comportant des erreurs. L'homme, de par sa nature, peut mettre en doute et dénier les autres mais ne fait pas la même chose pour soi‐même notamment en ce qui concerne son vécu. La Réalité n'est pas atteinte en faisant des recherches mentales sur la réalité des choses. En considérant cette Réalité, l'imam Al‐Ghazali a fait la critique de soi‐même et n'a pas pris en considération les résultats de la pensée philosophique qui a occupé son esprit pendant une partie de sa vie. En considérant son expérience spirituelle, son opinion dans son livre "l'incohérence des philosophes" devance celle d'Ibn Ruchd (Averroès) dans son livre "l'incohérence de l'incohérence". Al‐Ghazali est passé d'une force mentale terrestre et limitée à une force spirituelle divine et sans limite alors qu'Ibn Ruchd est resté à sa station bloqué sur une mentalité terrestre et limitée. Ce qui a été nommé "la philosophie soufie" ou "le soufisme philosophique" n'a rien à voir avec la réalité et n'a aucune existence dans le domaine de la Connaissance divine.
Les gens de la réalité soufie ne sont pas des philosophes ni des penseurs et il y a parmi eux des illettrés. Les flux divins qui débordent de leurs âmes, comme ce fût le cas pour les compagnons du Prophète (pssl) sans qu'ils soient qualifiés de philosophes ou penseurs, ne font aucune différence entre une âme et une autre. C'est ce que ne peuvent pas comprendre certains intellectuels notamment ceux atteints par l'esprit de contestation et de négation. Leurs idées inquiétantes et tordues ont failli détruire l'esprit de miséricorde et de pacifisme que nous avons hérité. Dieu a heureusement arrangé les choses.
Les sens intérieurs émanant du cœur sont loin d'être un produit philosophique comme certains peuvent s'imaginer. Ce sont des vérités divines, vécues par les rapprochés. Ceux qui ont appelé cela de "la philosophie soufie" ont eu tort et ont perdu leur temps sans arriver à un résultat. Ils ont essayé d'interpréter ces sens mystérieux par la pensée et de comprendre le fond de ces vérités par la linguistique alors qu'elles ont été rédigées dans une langue se rapportant au goût spirituel. Ils ont alors sculpté les mots, comme les pierres, sans atteindre leur intérieur. En quelle langue et avec quelle force mentale, un orientaliste peut‐il arriver à comprendre le sens de " la station de l'extinction et de l'éternité": l'extinction des sens physiques et l'éternité des sens abstraits. Ceci étant la colonne vertébrale de la réalité soufie. Si l'orientaliste connaît le sens matériel extérieur, il ignore le sens lumineux et intérieur, perçu seulement par le cœur et l'âme et non par le mental.
Les soufis ne sont pas des penseurs qui approfondissent la recherche mentale afin de comprendre des choses matérielles, ni des éloquents qui emploient la linguistique pour embellir et améliorer les mots en l'absence de tous sens intérieurs. Les soufis sont des gens qui détiennent les vérités cachées et qui font référence à une réalité abstraite, spirituelle et vivante avec une langue spéciale dont ils connaissent les secrets. Les termes utilisés sont les mêmes mais les significations sont différentes entre une science et une autre. Prenons l'exemple de l'expression "Dieu a dit": dans la grammaire c'est un sujet et un verbe; dans la logique c'est le prédicatif et la thèse; chez les soufis, le sujet "sélectif" est Dieu, et le verbe
"action" se fait par la volonté de Dieu. Ils ont interprété la grammaire en utilisant une langue spécifique à eux, "une langue de goût". L'imam Ach‐Cha'rani a dit que le Chaykh peut éduquer le disciple avec la grammaire. Dans l'exemple suivant: "l'homme adore Dieu", quel est le sujet de la phrase? Et quel est le complément d'objet? Est‐ce l'homme qui adore par sa propre volonté ou par l'autorisation et la volonté de Dieu? L'acte se fait donc par la volonté de Dieu. Allah a dit: "Dieu vous a crées, vous et ce que vous faites" (As‐Saffat 37, verset 96), Dieu est le sujet et tout se fait par Sa volonté. Dans ce domaine, les gens de la grammaire et les traducteurs se sont retirés pour laisser place aux gens de la réalité cachées qui dépassent, moyennant la transparence de leurs goûts, les moules et les formes des termes pour traduire les sens et les notions qu'ils comportent. C'est le cœur qui traduit les sens, ce n'est pas le mental. C'est une philosophie des cœurs et non une philosophie mentale.
Concernant la spécificité des soufis dans ce domaine, Ibn Khaldoun a écrit: "ils ont des manières qui les caractérisent et un usage des mots bien à eux. S'il y a usage des termes dont le sens n'est pas courant, nous avons employé d'autres mots dont la compréhension est plus facile. Les soufis se sont spécialisé dans ce genre de science qui reste inaccessible aux autres spécialistes de la Shari'a" (extrait du livre Al‐muqaddima, L'introduction). Si les spécialistes de la Shari'a ne peuvent pas traiter ou parler de cette science, comment alors cela peut être possible pour les intellectuels et les penseurs? C'est donc l'origine de l'erreur des gens de la Shari'a et des intellectuels quand ils mettent leur nez dans la spécialité des autres alors qu'ils brillent dans leurs domaines. Si l'intrusion est mauvaise et détestable, elle l'est plus dans le domaine de la science, et elle l'est encore beaucoup plus dans le domaine de la Réalité Divine.
Certainement, en dehors des soufis, les autres spécialistes de la Shari'a n'ont pas à s'introduire dans cette science. De même que pour les soufis qui ne sont pas spécialistes de la Shari'a, il n'est pas permis de parler de la science de la jurisprudence. La société islamique actuelle est touchée par l'apparition de ce qu'on peut qualifier d'"adolescents" en matière de science. Ils ne sont ni savants de la Shari'a ni savant de la Haqiqa. Ils ont attaqué les gens de la réalité soufie et se sont mis à donner leur avis en matière de jurisprudence. Leur mauvais comportement a créé de l'ignorance et ils sont devenus même plus dangereux pour l'islam que les ignorants qui ont eu conscience de leur niveau et qui se sont tus. Ce qui accentue la dégradation et retarde la bonne marche vers une formation scientifique saine, c'est la délivrance des diplômes supérieurs et les doctorats en sciences religieuses. Autrefois, les grands savants marocains avaient exprimé leur crainte à l'égard de l'instauration du système des diplômes au détriment de l'envie d'apprendre la science. Le roi Hassan II avait bien fait d'interdire, lors des causeries religieuses pendant le mois de Ramadan, d'appeler le savant en disant Docteur mais Professeur ou "Allama" qui veut dire savant ou puits de science.
Un savant a établi un commentaire concernant certains imposteurs de la science qui donnent leurs avis personnels à propos de la Shari'a dans le but de satisfaire les gens et d'avoir leur agrément et de bénéficier de leurs biens. Il a cité un passage modifié d'un verset du Coran
: "Certainement, Dieu ne craint que les savants parmi Ses serviteurs" (de tous les serviteurs de Dieu, seuls les savants Le craignent véritablement). Cela veut dire que Dieu "craint" ces imposteurs qui sèment la corruption tout comme les enfants d'Israël qui ont corrompu la
Shari'a du Prophète Moussa. Ce commentaire est considéré comme anecdote et n'est pas à prendre en compte dans l'application de la Shari'a.
A propos du prophète Moussa, Dieu le Majestueux a dit: " Demande‐leur : «Qui donc a révélé l'Écriture que Moïse a apportée comme lumière et direction pour les hommes? – Ce Livre que vous écrivez sur des feuillets, pour n'en montrer qu'une partie, tout en cachant tout le reste" (Al‐an'am 6, verset 91). Dieu a dit concernant le châtiment réservé à ceux qui dissimulent ce qu'Il a révélé du Livre : " Ceux qui dissimulent ce que Dieu a révélé du Livre et qui le troquent à vil prix, c'est comme s'ils remplissaient de feu leurs entrailles. Dieu ne leur adressera pas la parole le Jour du Jugement dernier et ne leur accordera pas Son pardon, mais un châtiment douloureux leur sera infligé. Voilà ceux qui échangent la Vérité contre l'erreur et qui troquent le pardon de Dieu contre le châtiment de l'Enfer ! Et quelle endurance il leur faudra pour supporter les affres de la Géhenne! Il en est ainsi parce que Dieu a révélé le Livre en tant que Message de vérité, et que ceux qui se livrent à des controverses à son sujet s'engagent dans une profonde divergence." (Al‐baqara 2, versets 174, 175, 176). Dieu a encore dit: " Ceux qui dissimulent les signes évidents et la bonne direction que Nous avons clairement révélés dans le Livre, ceux‐là seront maudits de Dieu et de tous ceux qui peuvent les maudire, à l'exception de ceux qui se repentent, s'amendent, divulguent la vérité. À ceux‐là J'accorderai Mon pardon, car Je suis Plein de clémence et de compassion." (Al‐baqara 2, versets 159, 160).
Dieu a attribué à la réalité soufie, des savants de la Shari'a, authentiques, vertueux et correcteurs, comme l'imam Al‐Ghazali, Ach‐cha'rani, Ibn Taymiya, Ach‐chatibi, Abou Talib Al‐ makki, Assayouti, Taj‐eddine Assabki, Ibn Khaldoun, Ibn Hajar, Ibn Al‐arabi, Ibn 'Abidin, Ibn
'Ajiba, et le sultan des savants Azzedine Ibn Abdessalam. Nous aurons l'occasion de les citer et
d'analyser leurs avis chacun à sa place. Ces imams et savants ont pu élever la réalité du cœur et la protéger contre les combines de ses détracteurs, des imposteurs et des hypocrites.
Ils ont pris des positions dans la religion et dans la société, ils ont établi des travaux scientifiques afin de servir et de préserver la Shari'a et ils ont démontré à travers cela que la quête de la réalité divine n'est pas une sorte de refuge ou de fuite de la société corrompue et de la réalité comme certains peuvent s'imaginer. C'est, au contraire, pour avoir la force de confrontation et le pouvoir d'entrer dans la réalité du monde. C'est aussi pour pouvoir participer efficacement dans le combat de la vie comme le montre le comportement des compagnons du Prophète (pssl). Ce sont les premiers issus d'une société préislamique corrompue. Ils ont demandé la réalité à travers l'éducation du Prophète (pssl) et ils ont vécu pour l'atteindre. Ils ont combattu dans le but de répandre l'islam et bâtir la civilisation islamique. La société n'a rien à gagner avec des gens vertueux qui fuient la réalité mais a tout à gagner avec des gens forts par Dieu possédant des caractères nobles. Ce sont des gens qui ont l'immunité divine et qui se mettent en plein milieu du feu de la corruption et de la discorde sans se brûler. Un réformateur actif et fort est celui qui corrige le corrompu alors qu'un individu passif et faible le fuit. Le Prophète (pssl) est le premier réformateur actif et fort par Dieu qui a pu corriger une des sociétés les plus corrompues. Il est le guide des saints et des connaisseurs et la source de toutes les réalités du cœur.
Au‐delà de la réalité soufie, qui a souvent été attaquée par ses détracteurs privés de son secret, actuellement, les études islamiques ont été atteintes par l'œuvre d'écrivains qui ont dépassé la limite de leur spécialité. Après avoir échoué dans des domaines comme la philosophie, la littérature ou l'histoire, ils se sont mis à donner des avis dans le domaine de la loi islamique. Alors des problèmes sociaux sont apparus et les accusations d'apostasie (irtidad) se sont multipliées et par conséquent, des fatwas d'exécution ont été annoncées. Ce qui a provoqué des mises en exil et des déchirements de familles. La société islamique a plus que jamais besoin de quiétude, de sécurité et de stabilité au lieu de tout ce qui peut être cause de désordre, de déséquilibre et de perturbation.
Il est certain que le fait d'aborder la science islamique sans connaissance et de manière désordonnée est un des signes du jour dernier. En effet, le messager de Dieu (pssl) a dit: "si les affaires sont mises entre les mains de gens dont ils ne sont pas aptes, alors tu n'a qu'à attendre l'arrivée du jour dernier".
Certains fuqaha (légistes musulmans) annoncent des jugements pour s'accorder avec les envies des gens au lieu d'observer la loi divine. Un tel comportement a provoqué, dans la société, un effet négatif d'un coté sur la connaissance de la réalité du cœur et de la spiritualité, et de l'autre sur la connaissance de la loi islamique (Shari'a), du Livre d'Allah et de la Sunnah de son messager. Ils ont corrompu l'esprit du musulman ordinaire qui a commencé à mettre en doute les valeurs spirituelles et les principes sacrés de la Shari'a, au point par exemple que l'individu se questionne à propos de l'usure, et en lui répondant par ce verset coranique: "Ô vous qui croyez ! Craignez votre Seigneur et renoncez à tout reliquat d'intérêt usuraire, si vous êtes des croyants sincères ! Et si vous ne le faites pas, attendez‐vous à une guerre de la part de Dieu et de Son Prophète" (Al‐baqara 2, versets 278, 279), alors l'homme réplique: un tel shaykh l'a autorisé. Il pèse la parole de Dieu contre la parole d'un shaykh. On remarque de nos jours que la plupart des gens ne demande pas à savoir ce que Dieu a autorisé ou interdit. Ils cherchent au contraire un shaykh ou un faqih pour justifier leur acte tout en ignorant que la responsabilité demeure toujours et ne peut être levée par une fatwa contraire au Livre, à la Sunnah et au consensus (ijma'). Dieu n'accepte que le jugement conforme à la Shari'a. Or, la responsabilité du mufti (celui qui prononce un jugement) est plus grande que celle de celui qui subit le jugement.
La liberté de recherche dans les études islamiques est assurée pour les spécialistes fidèles et respectant la Shari'a dans la recherche et la pratique. Pour d'autres, qui ne font pas la différence entre les choses ordinaires et les choses sacrées, la liberté d'expression et d'opinion a dépassé les limites. Elle a provoqué le désordre et créé des problèmes sociaux. C'est l'œuvre de certains écrivains, philosophes et historiens parmi les enseignants universitaires qui, au lieu de se consacrer à leurs spécialités, ils se sont orientés vers les études islamiques sans aucune connaissance de la Shari'a et de ses sources. Les savants de la Shari'a et de la Haqiqa ont donc été combattus dans leur propre domaine à cause du vide laissé par l'extinction de la flamme de l'amour de la science et par la disparition des savants qui ont renoncé à la recherche et l'étude pour se consacrer à d'autres domaines. Si le faucon déserte son nid, le corbeau se l'approprie. La vue de ce dernier provoque le pessimisme. Il est donné comme exemple à cause de sa
couleur sombre et de la longueur de son bec. Il se nourrit de petites bêtes faibles comme l'ont fait les écrivains, les philosophes et les historiens en s'appropriant la mission des savants de la Shari'a.
Quand on applique la religion, on privilégie l'opinion du spécialiste à celle du "participant" (c'est‐à‐dire celui qui n'est pas spécialiste mais peut donner son avis du fait de sa connaissance). Par exemple, on privilégie l'opinion d'Al‐hafid Assakhaoui, spécialiste du Hadith à celle d'Al‐hafid Assayouti qui a étudié plusieurs sciences. Le Khalifa Omar ibn Al‐khattab a dit: "celui qui veut se renseigner à propos du Coran, qu'il demande à Ubay ibn Ka'b; celui qui veut se renseigner à propos du fiqh (jurisprudence), qu'il demande à Mu'adh ibn Jabal; celui qui veut se renseigner à propos des obligations, qu'il demande à Zayd ibn Thabit; et celui qui veut se renseigner à propos de l'argent, qu'il me demande, Allah exalté soit‐il m'a chargé de le conserver et de le distribuer".
Il est donc nécessaire pour chaque corps scientifique de se respecter soi‐même et de se consacrer à sa spécialité et à son domaine. Ainsi seront préservées les réalités islamiques et seront conservées la stabilité et l'unité dans la société islamique. Dieu exalté soit‐il a dit: "Ne dites pas au gré de vos caprices : «Ceci est licite, et cela est illicite !», en attribuant ainsi à Dieu des mensonges. En vérité, ceux qui attribuent des mensonges à Dieu ne connaîtront jamais le bonheur ! Piètre jouissance au regard du terrible châtiment qui les attend ! (An‐nahl 16, verset 116, 117).