Dieu nous a guidé vers le droit chemin, il a donc dit: "Interroge donc qui est bien informé de Lui" (Al‐furqan 25, verset 59). Celui qui est bien informé de Lui est le Saint ou le Connaisseur de Dieu qui connaît le chemin sûr pour arriver à Lui. Dieu a encore dit: "ô les croyants ! Craignez Allah, et cherchez le moyen de vous rapprocher de Lui" (Al‐maïdah 5, verset 35). Cela signifie que le moyen est légitime, basé sur le Livre et la Sunnah, et est aussi humain, basé sur l'autorisation de Dieu et de Son Messager. Ce moyen est le seul permettant d'atteindre les secrets de Son essence et de Sa connaissance.
Dans le même sens, Dieu dit encore: "Demandez donc aux érudits du Livre, si vous ne savez pas" (Al‐anbiyaa 21, verset 7). Les érudits du Livre sont les spécialistes qui, dans le domaine de la connaissance de Dieu, sont les gens de la Vérité, ceux qui sont arrivés et qui font arriver les autres. Celui qui s'interroge sur la réalité divine, veut régler les comptes avec sa Nafs, qui ordonne le mal, pour la remplacer par une âme apaisée et la sortir de l'obscurité de l'inadvertance vers la lumière de la vigilance, devrait suivre le conseil d'Ibn 'Achir quand il dit dans "al‐murchid al‐mu'in":
"Etre en compagnie d'un Chaykh connaissant les chemins, préserve des fatalités".
Le disciple doit respecter son Chaykh dans le domaine de la réalité divine. Embrasser la main du Chaykh marque la plénitude du respect et de la reconnaissance. Al‐imam Achchatibi a rapporté d'Abi 'Utman Al‐jabri: "le compagnonnage avec Dieu est le bon adab avec la crainte et la surveillance, le compagnonnage avec le Messager d'Allah est de suivre sa tradition, le compagnonnage avec les Saints est le respect et la servitude.
La preuve qu’il est permis d’embrasser la main est que le Prophète (pssl) a embrassé la main de son compagnon Mu’adh Ibn Jabal quand elle a enflé à cause du travail puis il a dit : "Allah et son Messager aiment bien cette main"; et dans une autre version il est dit: "cette main ne sera jamais brûlée". L'Imam An‐nawawi a rapporté d'Abou Dawud d'après Ibn Omar dans une histoire: "nous nous sommes approchés du Prophète (pssl) et nous avons embrassé sa main". Il a aussi rapporté de l'Imam Tirmidhi d'après 'Aïcha que le Prophète (pssl) avait pris dans ses bras Zaïd Ibn Haritha et l'avait embrassé par amour. Le fait d'embrasser est donc une bonne pratique si cela est fait par amour abstrait, dépourvu de tout matérialisme.
Abdelqader 'Issa dit dans son livre "Des vérités sur le soufisme" (p 167): "celui qui observe et analyse les vérités et se réfère aux Hadiths, aux traces des compagnons et aux paroles des Imams véridiques trouvera que le fait d'embrasser la main d'un savant, d'un saint ou d'un parent est permis du point de vue de la Chari'a. Ceci est même une forme de politesse vis‐à‐vis des gens de grâce et de piété".
Il faut noter que le Chaykh qui mérite la considération et le respect et à qui on embrasse la main par amour est le Chaykh authentique, celui à qui Dieu a confié la mission d'améliorer l'état des cœurs et des comportements et celle de purifier les âmes polluées par l'inadvertance. Celle‐ci est le plus grand pollueur du sentiment et de la conscience, et est aussi un voile qui empêche d'atteindre la Vérité. Le contraire de l'inadvertance est la vigilance du cœur qui est l'unique porte ouverte vers la Vérité. La science de la Vérité est la seule qui permet d'éliminer l'état de l'inadvertance, d'ouvrir l'œil du cœur (al‐bassira) et de préparer le chemin, avec l'aide du porteur de cette science, pour connaître le Seigneur du paradis.
Un Chaykh connaissant les chemins préserve son compagnon des fatalités. Il a été surnommé "le Souffre Rouge" car il est difficile de découvrir sa station (maqam) sauf par le moyen du compagnonnage, de l'invocation et de la communication entre les âmes. Celui qui ne trouve pas un tel Chaykh, mieux vaut pour lui se contenter de l'invocation comme simple acte d'adoration et des bonnes œuvres. Une bonne œuvre, acceptée par Dieu, mène au paradis; et le soufisme authentique basé sur le Livre et la Sunna, sur l'invocation éducative et sur le compagnonnage d'un Chaykh éducateur et authentique mène vers la connaissance du Seigneur du paradis. Or tout le monde demande le paradis et peu de gens demandent à connaître le Seigneur du paradis.
Le paradis est une créature. Or, la créature n'est pas l'objectif à atteindre même s'il s'agit d'un prophète, d'un messager ou d'un saint. Celui pour qui il faut œuvrer n'est autre que le Créateur. Dans la tradition soufie, le serviteur ne s'oriente et ne cherche à arriver que vers son Seigneur et son Créateur, et s'il cherche la créature et l'accompagne c'est pour arriver au
Créateur. Il s'avère donc une nouvelle fois que l'unicité pure provenant du cœur et non altérée par l'établissement de preuves mentales sur l'existence de Dieu se trouve chez les gens de la connaissance divine.
Cette connaissance divine est un don de Dieu, elle descend du ciel vers la terre comme un acte de générosité accordé à un serviteur qui a réalisé ce qu'a dit l'Imam Achchatibi dans son livre "Al‐i'tissam" en parlant de Abou Yazid Al‐bastami qui a dit: "j'ai vu mon Seigneur pendant mon sommeil et j'ai dit: "comment arriver à Toi?" Il a dit: "délaisse ta nafs et viens".
L'accès à cette connaissance se produit dans le monde spirituel, celui des mystères et qui dépasse tout raisonnement mental et logique. A ce propos, un connaisseur a dit: "par Dieu, si nous dévoilons ce que nous savons, peu de gens nous croirait, ceux faisant partie de l'élite, les gens de lumière".
Ce côté des secrets que les gens de la Vérité gardent précieusement pour ne pas épuiser les esprits qui n'assimilent pas les choses rapidement, se découvre et se sent à travers la communication des âmes. Les traces de ces secrets se voient dans le changement des états des disciples, de mauvais à bon et de bon à meilleur. C'est une preuve apparente que le Chaykh agit par l'autorisation de Dieu et non par soi‐même et que son éducation est bien divine et spirituelle. On ne reconnaît pas un agriculteur dans le marché mais dans son champ où on peut constater le fruit de son travail. La société n'est qu'un champ abstrait et le Chaykh éducateur, autorisé à pratiquer l'éducation spirituelle, est un agriculteur abstrait. Il sème le Dhikr (l'invocation) dans les âmes et se met à planter les sens suprêmes dans les cœurs et les arroser par les secrets de la présence divine et par le flux spirituel du Prophète (pssl). Mais Dieu fait les choses et autorise selon Sa Volonté.
Quelle est donc la source originelle et légitime de l'autorisation spéciale accordée au Saint Connaisseur de Dieu? Al‐boukhari et Mouslim rapportent dans une histoire avec le compagnon du Prophète Omar ibn Al‐khattab, d'après Abou Huraira que le Prophète (pssl) a dit: "parmi ceux qui vous ont précédé il existait des gens à qui on avait parlé (mouhaddathoun pl. de mouhaddath), et s'il devait en exister un dans ma communauté, ce serait Omar". Dans une autre version d'Al‐boukhari d'après Abou Huraira, le Prophète (pssl) a dit: "il existait des hommes parmi les fils d'Israël à qui on avait parlé (moukallamoun pl. de moukallam) sans qu'ils soient prophètes, et s'il devait en exister un dans ma communauté, ce serait Omar". Ce qui est vrai pour ceux qui ont suivi Moussa est vrai aussi pour ceux qui ont suivi Mohammad. Comme dit précédemment, la révélation (al‐wahy) est réservée aux prophètes et se fait par le moyen de l'Ange; et les messages divins diffusés dans le cœur sont réservés aux saints et aux connaisseurs.
Al‐hafid ibn Hajar a dit au sujet de la personne à qui on parle (en arabe mouhaddath ou moukallam) que c'est un illuminé ou inspiré (moulham) et que les anges lui parlent sans qu'il soit prophète.
Malgré des avis différents, les deux termes mouhaddath et moukallam ont le même sens mais il ne serait pas correct de porter leur sens sur celui du mot moulham (inspiré). Etre
mouhaddath va dans le sens ou un message ou un appel de Vérité émane du cœur du saint ou du connaisseur, alors que l'inspiration (ilham) est un sentiment intérieur, affectif ou conciliatoire. Dans ce sens Dieu dit: "[Et voilà] ce que ton Seigneur révéla aux abeilles : “Prenez des demeures dans les montagnes" (An‐nahl 16, verset 68). Le mot "révéler", dans ce verset, signifie "inspirer sans voix", au contraire du mot "parler". Par conséquent, au sens du mot "inspirer", Dieu révèle aux saints inspirés en matière d'éducation pour éduquer les âmes de Ses serviteurs, alors qu'en matière d'autorisation il s'agit du sens du mot "parler".
Mais alors, qui pourrait être qualifié de mouhaddath ou moukallam? Serait‐il un écrivain, un philosophe, un penseur, un faqih (savant de la Chari'a)? Ou serait‐il quelqu'un parmi les gens de Vérité cachée ou intérieure?
Il est regrettable que la Réalité des mystères et de l'invisible soit atteinte par une sorte de dégénérescence à cause de l'absence de sincérité et de fidélité, du fait de ne pas s'adonner au rappel de Dieu (le dhikr) avec une orientation émanant du cœur, de l'interruption du flux et du secret spirituels, du durcissement des sentiments, du dessèchement des cœurs des sens spirituels et de l'occupation par les prétentieux des places de Saints et de Connaisseurs. Tout ceci a fait que cette Réalité perde sa valeur au point que le Chaykh d'une voie dite soufie, ou le président de ce qui a été appelé le conseil supérieur du soufisme, est élu comme un président d'une association sportive. Or, le vrai soufisme est une Réalité mystérieuse que Dieu accorde à qui Il veut. Nous avons perdu notre capital matériel et abstrait. Le Prophète (pssl) a dit: "chaque jour vous vous faites humilier". Les sens spirituels et moraux qui permettent de conserver la quiétude et la stabilité dans la société jouent le rôle du lubrifiant dans le moteur. Si les cœurs perdent les valeurs de fraternité, de clémence et de miséricorde les pensées se heurtent les unes contre les autres comme le métal dans le moteur quand le lubrifiant se dessèche. De là apparaît l'importance de l'existence des Saints, des gens vertueux et des Connaisseurs comme des repères de guidance et des sources d'orientation au sein de la société.
Les Saints ou les maîtres de l'éducation spirituelle sont ceux qui ont connu leur Seigneur, ont été sincères avec les serviteurs, ont agi par Son autorisation et ont appelé à suivre la Charia de Dieu tout en suivant les traces du Prophète (pssl) et sa tradition ainsi que celle de ses compagnons. Ils sont souvent qualifiés par "les appelants vers Dieu", mais quand ils se spécialisent dans la connaissance des âmes et leurs habitudes en essayant de réparer les courbures et les distorsions à côté d'un travail d'orientation, de guidance et d'appel vers Dieu, ils sont alors reconnus comme des maîtres de l'éducation spirituelle basée essentiellement sur la communication entre les âmes et ils sont considérés comme des experts compétents en matière de guidance vers Dieu. Allah a dit: "Le Miséricordieux, renseigne toi sur Lui auprès d'un expert". Le doyen spirituel de ces maîtres est un Pôle (qotb).
Ibn Khaldoun a cité ce que les gens de la Réalité soufie affirment et que leurs adversaires renient. Le Pôle (al‐qotb) est le sommet des connaisseurs. Personne ne peut l'égaler dans sa station et sa connaissance jusqu'à ce qu'il décède. Ensuite Dieu fait héritage de sa station à quelqu'un d'autre parmi les gens de la connaissance. Le pôle est un homme
comme les autres en l'apparence mais reste caché dans l'abstrait. Tu le vois et tu ne le vois pas: tu le vois par l'œil physique mais tu ne le vois pas par l'œil du cœur (al‐bassira). Ibn Khaldoun a rapporté du "Livre des guidances" d'Ibn Sina (Avicenne): "Dieu Vérité est tellement majestueux qu'Il ne donne accès à Sa connaissance à tous, cela se fait à l'un après l'autre". (Al‐ mouqaddima, (l'Introduction), p 875).
Ceux qui ont connu Dieu ont perdu le voile de l'inadvertance qui couvrait leurs cœurs; ils se sont manifestés par leurs âmes pour Le connaître et ont vu Sa Réalité avec l'œil de leurs cœurs. L'œil physique voit les corps et les choses matérielles alors que l'œil du cœur voit les réalités et les choses abstraites. Ceux qui ont vu le corps du Prophète (pssl) avec l'œil physique et n'ont pas vu sa réalité avec l'œil du cœur sont ceux qui ont dit: "Qu'est‐ce donc que ce Messager qui mange de la nourriture et circule dans les marchés ? Que n'a‐t‐on fait descendre vers lui un Ange qui eût été avertisseur en sa compagnie ?" (Al‐furqan 25, verset 7). Il est certainement le messager de Dieu; il a été envoyé en avertisseur à des gens pareils et en porteur de bonnes nouvelles pour les croyants véridiques. Dieu ne transmet pas ses lois par le moyen des anges mais par l'intermédiaire de messagers qu'Il a choisis parmi Ses serviteurs vertueux. Dieu a dit: "ce ne sont pas les yeux qui s'aveuglent, mais, ce sont les cœurs dans les poitrines qui s'aveuglent" (Al‐hajj 22, verset 46). Peut être que l'illettré verrait avec l'œil de son cœur alors que le savant verrait avec son œil physique, ou que l'illettré croirait avec véracité et docilité ce qu'il ne connaît pas alors que le savant aurait du doute et de la curiosité par rapport à ce qu'il ne connaît pas. Un savant fier de son savoir dirait sans preuve légitime que "le pôle n'existerait pas", alors l'illettré lui répondrait: "s'il existe tu seras banni de sa grâce". Quel mal aurait ce savant en cessant de parler de ce qu'il ne sait pas et en délaissant le savoir de l'inconnu au Connaisseur des mystères et de l'invisible.
Les gens de la Réalité soufie insistent au premier degré sur le cœur comme une source essentielle des sens supérieurs et perpétuels et ensuite sur le mental comme un moyen pour gérer les affaires de la vie. Ils insistent également sur la Réalité comme une grâce et un acte de générosité et sur la Charia comme un devoir sacré. Ils notent la nécessité du maître éducateur dans la voie de la Réalité. Les orgueilleux qui refusent d'avoir un maître dans la voie de la Réalité n'ont que deux choix à faire: soit rester au niveau de la Charia, voilés de la Réalité malgré les actes apparents, soit prendre le risque de régler les comptes avec leurs nafs et prendre le chemin rude, inconnu et sans guide.
Il n'y a pas de doute que celui qui essaye de régler les comptes avec sa nafs pour la sortir du monde de l'inadvertance vers le monde de la vigilance du cœur, seul, sans maître, connaissant les chemins intérieurs, qui surveille ses états et qui revient vers lui en cas de changement de son état d'esprit, pourrait finir dans un état de "jadb". C'est une déviance spirituelle qui pourrait toucher certaines personnes qui ne suivent pas un chemin intérieur sûr et sécurisé. Ces personnes sont attirées par la présence divine sans passer par le chemin intérieur abstrait et par la présence prophétique avant la présence divine. Ces personnes (appelées majadib pl. de majdoub) sont solitaires et majestueuses alors que les gens qui ont suivi le bon chemin sont sur la tradition du Prophète (pssl), respectent la Charia, les valeurs morales et tout ce qui se rapporte au sentiment du beau, ensuite ils sont solitaires et divins. Et
même si les "majadib" peuvent être des saints, dans le sens où Dieu les a pris en charge et a voulu que leur état soit ainsi, ils ne rendent service à personne et peuvent même faire du tort intérieurement à celui qui leur a porté préjudice.
Il est connu que l'état de "jadb" perturbe le cours de la vie normale. Il est donc recommandé d'éviter de tomber dans cet état en évitant les causes et les moyens qui le provoquent tels que la diversification des invocations et le traitement des âmes sans médecin spirituel. Il est connu à travers l'histoire que nul n'est tombé dans un état de "jadb" en la compagnie d'un vrai Chaykh éducateur. Le "jadb" arrive à celui qui essaye d'éduquer son âme par lui même ou qui se livre à un faux Chaykh.
Dieu sait à quel point un prétendant de la sainteté a besoin d'un Chaykh véridique pour le sauver de la noyade dans la mer de l'imagination et de l'illusion. Il ne s'agit pas simplement d'un acte d'adoration commun à tous les gens mais de la purification des âmes afin d'atteindre la réalité des mystères et de l'invisible qu'ont vécu les Saints et les Connaisseurs.
La légitimité du compagnonnage qui lie le disciple au Chaykh est établie par le fait qu’il soit une tradition (Sunnah) qui existait entre le Prophète (pssl) et ses compagnons. Dieu a dit dans le Coran, en citant l’histoire de la migration du Prophète (pssl) avec son compagnon Abou Bakr : " se trouvant dans la grotte avec son seul compagnon, il disait à celui‐ci : «Ne t'afflige pas
! Dieu est avec nous.» Dieu étendit alors sur lui Sa sérénité " (Attawba 9, verset 40). Les soufis se sont basés sur cet événement pour prouver la légitimité du compagnonnage. On en trouve aussi une origine quand il s'agit de renforcer la foi du musulman comme dans l'exemple cité par Ibn Taymiya concernant la relation spirituelle entre Abou Bakr et Omar et la force de la foi chez Abou Bakr qui primait sur la force du travail chez Omar. La force de la foi du Chaykh, en plus de son autorisation lui permet d'éduquer ses disciples.
Quand Ibn Taymiya a dit: " il n'y a pas de doute que Abou Bakr a une plus grande foi que Omar et que Omar devance Abou Bakr par sa force du travail", il a donc souligné l'importance du compagnonnage. La force de la foi est la condition essentielle et aussi la porte unique pour le monde de la réalité des mystères et de l'invisible. Ibn Taymiya dit: " du vivant du Prophète (pssl), et après son décès, il arrivait à Omar des choses qu'il n'avait pas et ce à cause de la foi et la science qu'avait Abou Bakr"
Si Omar, avec toute la grandeur et la station qu'il avait et dont le Prophète (pssl) a dit à son sujet : " s'il devait y avoir un Prophète après moi ce aurait été Omar", a pu bénéficier de la compagnie d'Abou Bakr, pourquoi donc un individu quelconque ne bénéficierait‐il pas de la compagnie d'un Chaykh connaisseur de Dieu qui le guiderait et le sortirait de l'obscurité de l'inadvertance vers la lumière de la vigilance?
Les Chouyoukh de l'éducation spirituelle se basent essentiellement sur l'autorisation à enseigner le Dhikr (l'invocation). On trouve à ceci une référence légitime dans ce qu'ont rapporté Attabarani et Albazzar sur le Prophète (pssl) qui conseillait Ali en lui disant: "sois assidu dans l'invocation de Dieu à voix haute et à voix basse". Ali a demandé: et comment
j'invoque? "ferme tes yeux et écoute moi; dis: LA ILAHA ILLA ALLAH trois fois. Puis dis le trois fois que je t'écoute. Ensuite tu dis cela à voix haute". On raconte aussi que le compagnon Abdoullah Ibn Mas'ud a dit: "j'ai appris les deux professions de foi du Messager de Dieu en mettant mes mains dans les siennes". Il est connu que le Chaykh prend la main de son disciple pendant la transmission du pacte.
Les Chouyoukh de l'éducation spirituelle se concentrent sur la communication entre les âmes. C'est une éducation par l'aspiration ou l'inspiration (Himma ou Ilham), une éducation abstraite et silencieuse qui a un effet sur le sentiment comme l'eau qui fait son effet dans les branches de l'arbre.
Dans un Hadith qui rapporte une conversation entre Handhala et Abou Bakr il est fait référence à l'effet de la communication entre les âmes et à l'état du Dhikr. Handhala a dit: "j'ai rencontré Abou Bakr qui m'a demandé comment j'allais, j'ai donc répondu: Handhala est un hypocrite. Il a répliqué: Soubhane Allah, que dis‐tu? J'ai dit: nous sommes des fois en compagnie du Prophète (pssl) qui nous parle du paradis et de l'enfer comme si nous y étions, et dès lors que nous sortons de chez lui (pssl) nous nous occupons avec nos familles et nos fermes, nous oublions tout. Abou Bakr a dit: par Dieu nous vivons tous la même chose. Nous sommes donc partis voir le Prophète (pssl) et j'ai dit: Handhala est un hypocrite ô Messager de Dieu. Qu'est‐ce qui t'arrive? M'a‐t‐il demandé. J'ai répondu: Ô Messager de Dieu, nous sommes des fois en ta compagnie, tu nous parles du paradis et de l'enfer comme si nous y étions, et dès lors que nous sortons de chez toi nous nous occupons avec nos familles et nos fermes, nous oublions tout. Il a donc dit: "je te jure par Celui qui détient mon esprit dans Sa main, si vous restez dans le même état que celui que vous éprouvez en ma compagnie, les anges vous serreront la main dans vos lits et sur vos chemins, mais il y a des moments et des moments". Cette dernière expression (en arabe : saa'tan saa'tan), signifierait, et Dieu seul le sait, qu'il y a un mouvement de marée haute et marée basse dans l'abstrait et dans le matériel. Il est donc naturel d'avoir des états différents qui varient entre des moments de force et des moments de faiblesse.
Les Imams Attirmidhi, Ahmad Ibn Hanbal et Ibn Maja ont rapporté ces paroles de Anas Ibn Malik (que Dieu l'agrée): "nous n'avions même pas enlevé de nos mains le reste de terre après l'enterrement du Messager de Dieu (pssl) que nous avions désavoué nos cœurs". Ils avaient désavoué leurs cœurs au moment de la disparition de l'âme du Prophète (pssl) mais ils n'ont pas désavoué leurs actes. On dit souvent: que Dieu nous fasse miséricorde par celui à qui Il l'a déjà accordée. La miséricorde prend sa source dans les cœurs, bons et purs. Dieu a dit au sujet du serviteur vertueux qui a eu comme élève le Prophète Moussa (sur lui la paix): " Nous lui avions accordé une miséricorde, de Notre part, et Nous lui avions enseigné une science émanant de Nous". La miséricorde est une terre abstraite sur laquelle poussent la réalité divine et la science cachée. Les gens qui sont couverts par cette miséricorde sont les plus miséricordieux envers les serviteurs de Dieu, et ce sont eux qui disent: "ne déteste pas un juif ou un chrétien mais déteste ta Nafs qui est entre tes cotés". Celui qui ne déteste ni de juif ni de chrétien ne peut pas détester les croyants. C'est l'une des caractéristiques des gens qui ont les flux divins.
Le Chaykh Ahmad Attijani a expliqué dans son ouvrage "Jawahir Alma'ani" (Les entités des sens) que le flux divin qui circule en toute époque est déposé entre les mains de l'élite de l'élite des serviteurs de Dieu, vertueux et vivants (une vie physique et abstraite). Or, c'est le vivant qui compte. Etre vivant c'est pouvoir communiquer avec les âmes. On dit: "le secret de la Vérité Divine est dans la créature". Alors, le dépositaire du Secret Divin ne peut être que vivant.
L'éducation spirituelle est conditionnée par le compagnonnage du Saint véridique et vivant car le mort n'éduque pas le vivant. Le vide que le vivant arrive à combler dans le domaine de l'éducation et de la guidance ne peut pas être comblé par le mort même si celui‐ci avait un plus grand degré pendant sa vie. Pendant son Califat, Omar Ibn Al‐khattab était sorti pour Salat Al‐istisqae (prière pour demander la pluie) et avait pris Al‐'Abbas Ibn Abd Almuttalib (l'oncle du Prophète (pssl) par la main en disant: nous demandions l'intercession du Prophète (pssl) pendant sa vie, et après sa mort, nous demandons l'intercession de son oncle Al‐'Abbas. Le fait d'intercéder veut dire ici effectuer la prière d'Al‐istisqae. Or, la prière est un acte d'adoration que seul le vivant peut effectuer.
Ceux qui excluent la nécessité du compagnonnage du Chaykh véridique et vivant ne font pas la différence entre l'adoration et les règles établies de la Chari'a et entre l'éducation des âmes qui purifie sous la chaleur spirituelle, abstraite et silencieuse tout comme l'œuf qui, sous la poule, englobe une substance vivante.
La raison, aussi évoluée soit‐elle, est incapable de déterminer d'où et comment s'introduit la vie dans l'œuf ni comment se forme le miel dans la ruche. La raison est donc incapable de cerner la Sagesse de Dieu dans ce qu'elle voit du monde extérieur. Et comment ne serait‐elle pas incapable de cerner Sa Sagesse dans ce qu'elle ne voit pas du monde intérieur, le monde des âmes, imperceptible et non‐délimité. " Ils t'interrogent sur l'âme. Dis‐leur : «L'âme relève de l'ordre exclusif de mon Seigneur et, en fait de science, vous n'avez reçu que bien peu de chose.»" (Al‐israa 17, verset 85).
Par conséquent, le Chaykh éducateur véridique connaisseur de Dieu est indispensable dans le domaine de l'éducation spirituelle et cela devient une évidence. De grands savants et penseurs tels que l'Imam Al‐Ghazzali et Ach‐chaarani ont eu des Chaykhs éducateurs. Abdelkader Issa a écrit dans son livre (Des vérités sur le soufisme): " il n'est jamais possible de se débarrasser de la nafs et de l'ostentation sans être avec un Chaykh".
Le soufisme est une réalité des mystères et de l'invisible émanant de Dieu qui ne s'acquiert pas auprès des Chouyoukh de la même façon que les sciences apparentes. La vérité n'est pas une propriété du Chaykh qui la met à disposition du disciple. Le Prophète (pssl) qui est la source de toutes les vérités a dit dans un Hadith rapporté par Al‐Boukhari: " je ne suis que le distributeur et c'est Dieu qui donne". Le donneur est eternel et celui qui Le cherche est le distributeur. Quiconque connaît le distributeur, connaîtra la porte du don divin.
Ce que prend le disciple chez le Chaykh n'est pas le soufisme mais la sincérité et la fidélité, la pureté du cœur et de la conscience, la servitude à Dieu et l'orientation du cœur vers le Donneur, Celui qui détient la Vérité dans Sa main toute puissante. Le Prophète (pssl) a signalé ce qu'on peut considérer comme des signes des Chouyoukh de la connaissance divine dans l'éducation spirituelle, dans un Hadith Sahih rapporté par Ibn Abbas en répondant à la question: quel homme est le meilleur parmi nos compagnons? " Celui dont la vue vous fait rappeler Dieu, la parole enrichit votre savoir et les actes vous font rappeler la vie de l'au‐delà".
Nous nous interrogeons donc au sujet de la catégorie de gens sur laquelle s'appliquent les paroles du Prophète (pssl) dans un Hadith rapporté par Al‐Boukhari et Mouslim: " Des gens de ma communauté ne cesseront d'accéder à la Vérité. Aucun mal ne les atteindra jusqu'à ce que Dieu fasse régner Son ordre" (le jour du jugement dernier). S'agit‐il des invocateurs ou des inadvertants? Des connaisseurs de Dieu ou de ceux qui ignorent Sa Vérité? Des gens de Dieu ou des gens de la Dounia (la vie d'ici‐bas)? S'agit‐il de ceux qui aiment Dieu et Son messager ou ceux qui aiment l'argent? De ceux qui agissent par le Livre d'Allah et la Sunnah de Son Prophète ou de ceux dont Dieu a dit à leur sujet: " N'as‐tu pas vu celui qui prend sa passion pour une divinité? Serais‐tu disposé à en être le garant? Estimes‐tu que la plupart de ces gens entendent ou comprennent? En vérité, leur niveau ne dépasse pas celui des bestiaux, ou plutôt ils sont plus égarés encore." (Al‐furqan 25, verset 44). S'agit‐il encore de ceux sortant des écoles de l'éducation spirituelle et des caractères nobles, titulaires de diplômes de servitude à Dieu et de soumission à Sa Grandeur et Sa Majesté ou de ceux qui sortent des écoles de philosophie, experts en matière de métaphysique et de polémique. Il s'agit incontestablement des diplômés des écoles spirituelles, divines et Mohammadienne.
Si on considère que l'éducation de tous genres a une importance spéciale dans notre époque, que le musulman a besoin d'une éducation religieuse, morale, spirituelle, mentale et physique, et qu'un éducateur spécialisé est une condition nécessaire pour la pratique de toute sorte d'éducation, nous serons convaincus de la nécessité du Chaykh éducateur dans le domaine spirituel. Cependant, la mission du Chaykh ne va pas au‐delà des principes de la Chari'a pour éduquer les âmes et les purifier et ne consiste pas à émettre des lois si le Chaykh ne fait pas partie des savants de la Chari'a.
On remarque de nos jours que les musulmans ont accordé de l'importance à l'éducation physique ainsi qu'à l'éducation culturelle et ont construit des centres sportifs, des écoles et des universités mais ils ont négligé l'importance de l'éducation spirituelle malgré sa compatibilité avec les principes de la religion et les composantes de la société. Certains ont déclaré la guerre aux Zawiya qui sont considérées comme des écoles du rayonnement spirituel et ce malgré le rôle positif qu'elle joue au sein de la société. L'éducation spirituelle engendre un climat de fraternité et d'amour. Elle fait l'effet de l'huile qui lubrifie les pièces du moteur et empêche les frottements. Elle contribue à la sécurité et la stabilité dans la société. Dieu a dit : "N'est‐ce pas que c'est au souvenir de Dieu que s'apaisent les cœurs?" (Ar‐ra'd 13, verset 28). Il a dit encore: "C'est Lui qui a fait naître la quiétude dans les cœurs des croyants" (Al‐fath 48, verset 4). Si la quiétude et l'apaisement remplissent le cœur de l'individu, ceci influe sur la société. Celle‐ci est bonne si l'individu est bon et elle est mauvaise s'il est mauvais.
Ceux qui œuvrent pour améliorer la société en se basant sur l'amélioration de l'individu avec des moyens pacifiques, légitimes, spirituels et divins sont les vrais réformateurs. Leur manière d'éduquer, qui est celle des messagers, des saints et des connaisseurs, donne des résultats à long terme mais ne connait pas l'échec. Le modèle originel est celui du Prophète (pssl) dont le travail a réformé la société de l'époque préislamique, une société ignorante, décomposée et corrompue. De cette société, Dieu a fait sortir la meilleure des communautés. Il a dit à ce sujet: "Vous êtes la meilleure communauté qui ait jamais été donnée comme exemple aux hommes. En effet, vous recommandez le Bien, vous interdisez le Mal" (Al‐'imran 3, verset 110). Dans ce verset, "le Bien" (al‐ma'rouf) veut dire : le comportement sain, reconnu en tant que tel dans une société exemplaire; "le Mal" (al‐munkar) veut dire: ce qui est désavoué par la Chari'a, les coutumes et l'esprit sain. Le secret de la réussite de cette réforme Mohammadienne qui n'a pas d'égal à travers l'histoire des sociétés est révélé dans la parole de Dieu: "Même si tu avais dépensé tous les trésors de la Terre, tu n'aurais jamais pu unir leurs cœurs. Seul Dieu a réalisé cette union" (Al‐anfal 8, verset 63). Dieu a uni leurs cœurs ainsi que leurs pouvoirs et leurs sociétés. C'est là le secret de la force des premiers de la communauté musulmane. Aujourd'hui, en l'absence de ce secret, "Leur violence les uns à l'égard des autres est extrême. On les croirait unis alors que leurs cœurs sont divisés" (Al‐hashr 59, verset 14).
Où sommes‐nous aujourd'hui par rapport au modèle du Prophète (pssl)? Ce modèle qui était concentré sur l'éducation de l'individu, de son âme, son comportement et son intérieur afin de corriger la croyance et la foi. Avant de bâtir la société musulmane à Médine et d'autoriser la guerre sainte, le Prophète (pssl) œuvrait sur l'éducation de l'individu extérieurement et intérieurement pendant plus de la moitié de la période de la révélation. Il était resté à Makka pendant treize ans et n'avait pas dépassé plus de deux cents hommes autour de Lui. Chacun d'eux était comme un mont élevé. A travers ces hommes, l'islam s'est répandu partout dans le monde, les systèmes et les lois ont été créés comme ce fût le cas pendant le califat d'Omar dont la civilisation a pu atteindre trois continents.
Tout le monde appelle aujourd'hui à la réforme économique, sociale, culturelle, religieuse et éthique, mais personne ne pointe le doigt sur l'origine de cette réforme, à savoir l'individu bon et vertueux. Ils ont appelé à l'islamisation des sciences, des systèmes et des lois, mais personne n'a appelé à l'islamisation de l'individu. Ce dernier étant bon ou mauvais, influe positivement ou négativement sur la société entière. "En vérité, Dieu ne modifie point l'état d'un peuple tant que les hommes qui le composent n'auront pas modifié ce qui est en eux‐ mêmes" (Ar‐ra'd 13, verset 11). Ils constatent la corruption de la situation mais ignorent la source qui permet de la réformer. Les systèmes et les lois ne se font pas par eux même et ne se réforment pas par eux même non plus quand ils deviennent corrompus. En fait, c'est l'homme qui les crée et c'est aussi lui qui les réforme ou les corrompt. Ils peuvent alors rester corrompus jusqu'à ce que la réforme commence par et pour Dieu. Cette mission incombe à l'individu vertueux. Ne peut pas réformer la société, au nom de l'islam, celui qui vise un quelconque but mondain, lucratif ou politique. Dieu n'accepte pas ce qui n'est pas fait pour Lui, d'autant plus les actes vides de sincérité et de véracité. "Sois avec Dieu, Il sera avec toi". La société doit être reconnaissante envers les gens de la Grâce, pour leur travail de réforme, en commençant par le Prophète (pssl) et ses compagnons, puis les saints et les connaisseurs, les vertueux de sa communauté. D'après Abou Daoud, le Prophète (pssl) a dit: "n'est pas reconnaissant envers Dieu celui qui ne l'est pas envers les gens".
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