Reportage de notre correspondante en Tunisie, Mis en ligne le 24/01/2013
La zaouia de Sidi Bou Saïd, petit village huppé ultra-touristique aux maisons blanc et bleu, devait être rénovée pour la fête du Mouled, ce 24 janvier. Finalement, ce ne sera pas le cas. Mais cette fête populaire - rejetée par les prêcheurs salafistes - qui marque la naissance du prophète, aura lieu sur l’esplanade qui offre une vue imprenable sur le golfe de Tunis.
En cette veille de fête, les ouvriers s’activent. Dans la mosquée des femmes, on donne les derniers coups de pinceaux sur les arcades dentelées. Seule la pièce d’une dizaine de mètres carrés dans laquelle se trouve le tombeau du saint soufi Sidi Bou Saïd el-Béji est fermée au public. La porte est calcinée, les vitraux détruits. Dans la soirée du 12 janvier, cette zaouia vieille de sept siècles a été ravagée par les flammes.
"Traditionnellement, c’est à Kairouan que l’on fête le Mouled, mais cette année, cela sera particulier à Sidi Bou Saïd", note une villageoise. Des femmes viennent constater l’avancée des travaux et prodiguer quelques "conseils" à ces travailleurs qui font mine d’obtempérer. Un compte bancaire a été ouvert pour la réhabilitation du lieu. L’ambassadeur de France a annoncé, le 22 janvier, un don de 10 000 dinars (soit 5 000 euros).
Ce 24 janvier, Rached Ghannouchi, le leader d’Ennahda, devrait se rendre sur place. Il y a une semaine, il a été "dégagé" par les habitants, tout comme le ministre de la Culture ou le président de la République qui avaient pourtant condamné l’acte. Le ministre des Affaires étrangères, qui dînait dans un restaurant de ce village perché sur une colline, a dû filer par la porte de service.
Après l’incendie, la réaction des habitants a été particulièrement vive. Ils se sont rendus le soir même devant le Palais de Carthage pour protester "contre la destruction de (leur) patrimoine culturel".
Une trentaine de mausolées
Rapidement, le ministère de l’Intérieur a privilégié la piste criminelle. L’enquête se poursuit. En huit mois, selon l’Union des confréries soufies, trente-cinq mausolées ont été profanés. Certains ont été totalement ou partiellement détruits ou incendiés. Dernier en date, celui d’Akouda, près de Sousse, a été calciné dans la nuit de mardi à mercredi. "Ces atteintes étaient attendues dans la mesure où des actes similaires ont eu lieu en Libye et au Mali", dénonce Mohamed El-Hani, le porte-parole de l’Union des confréries soufies. "Les gens derrière toutes ces attaques sont des wahhabites", un courant islamique radical venant d’Arabie saoudite, a surenchéri Mazen Cherif, le vice-président de cette union.
Si pour l’heure, tous les criminels ne sont pas identifiés, certains de ces actes sont effectivement attribués aux extrémistes religieux, comme la destruction à l’aide d’un tractopelle de la coupole du mausolée de Sidi Yacoub dans la région de Gabès. "Les orthodoxes musulmans considèrent le soufisme comme une hérésie. Certaines confréries ont reçu des menaces. Mais depuis l’affaire de Sidi Bou Saïd, la population se mobilise et tente de les protéger. C’est notre histoire et notre patrimoine qui sont attaqués", rappelle Zak Hamda, co-productrice du documentaire "Les Passionnés", sur les soufis tunisiens.
Croyance populaire et pacifique
Le soufisme est un islam maraboutique où Dieu est invoqué à travers le chant et la danse, une croyance populaire pacifique et spécifique à la Tunisie et au nord de l’Afrique. "Devenir soufi, c’est passer de gourmand à gourmet", fait image Samir, la cinquantaine et membre de la confrérie soufie de Sidi Belhassen, l’un des saints soufis les plus vénérés en Tunisie.
"Le jeûne et la prière, par exemple, sont les bases de la religion, mais pour se rapprocher de Dieu, il faut un minimum de théologie. ( ) Les wahhabites sont les plus ignorants dans l’islam. Leur pensée est dangereuse. Ils nous détestent, mais cela ne veut pas dire qu’ils vont aller jusqu’à mettre le feu", estime cet homme à l’air bourru. "Ils voudraient fermer ces lieux pour changer les mentalités mais ce n’est pas comme ça que cela marche."
autor: Julier Schneider
sursa
La zaouia de Sidi Bou Saïd, petit village huppé ultra-touristique aux maisons blanc et bleu, devait être rénovée pour la fête du Mouled, ce 24 janvier. Finalement, ce ne sera pas le cas. Mais cette fête populaire - rejetée par les prêcheurs salafistes - qui marque la naissance du prophète, aura lieu sur l’esplanade qui offre une vue imprenable sur le golfe de Tunis.
En cette veille de fête, les ouvriers s’activent. Dans la mosquée des femmes, on donne les derniers coups de pinceaux sur les arcades dentelées. Seule la pièce d’une dizaine de mètres carrés dans laquelle se trouve le tombeau du saint soufi Sidi Bou Saïd el-Béji est fermée au public. La porte est calcinée, les vitraux détruits. Dans la soirée du 12 janvier, cette zaouia vieille de sept siècles a été ravagée par les flammes.
"Traditionnellement, c’est à Kairouan que l’on fête le Mouled, mais cette année, cela sera particulier à Sidi Bou Saïd", note une villageoise. Des femmes viennent constater l’avancée des travaux et prodiguer quelques "conseils" à ces travailleurs qui font mine d’obtempérer. Un compte bancaire a été ouvert pour la réhabilitation du lieu. L’ambassadeur de France a annoncé, le 22 janvier, un don de 10 000 dinars (soit 5 000 euros).
Ce 24 janvier, Rached Ghannouchi, le leader d’Ennahda, devrait se rendre sur place. Il y a une semaine, il a été "dégagé" par les habitants, tout comme le ministre de la Culture ou le président de la République qui avaient pourtant condamné l’acte. Le ministre des Affaires étrangères, qui dînait dans un restaurant de ce village perché sur une colline, a dû filer par la porte de service.
Après l’incendie, la réaction des habitants a été particulièrement vive. Ils se sont rendus le soir même devant le Palais de Carthage pour protester "contre la destruction de (leur) patrimoine culturel".
Une trentaine de mausolées
Rapidement, le ministère de l’Intérieur a privilégié la piste criminelle. L’enquête se poursuit. En huit mois, selon l’Union des confréries soufies, trente-cinq mausolées ont été profanés. Certains ont été totalement ou partiellement détruits ou incendiés. Dernier en date, celui d’Akouda, près de Sousse, a été calciné dans la nuit de mardi à mercredi. "Ces atteintes étaient attendues dans la mesure où des actes similaires ont eu lieu en Libye et au Mali", dénonce Mohamed El-Hani, le porte-parole de l’Union des confréries soufies. "Les gens derrière toutes ces attaques sont des wahhabites", un courant islamique radical venant d’Arabie saoudite, a surenchéri Mazen Cherif, le vice-président de cette union.
Si pour l’heure, tous les criminels ne sont pas identifiés, certains de ces actes sont effectivement attribués aux extrémistes religieux, comme la destruction à l’aide d’un tractopelle de la coupole du mausolée de Sidi Yacoub dans la région de Gabès. "Les orthodoxes musulmans considèrent le soufisme comme une hérésie. Certaines confréries ont reçu des menaces. Mais depuis l’affaire de Sidi Bou Saïd, la population se mobilise et tente de les protéger. C’est notre histoire et notre patrimoine qui sont attaqués", rappelle Zak Hamda, co-productrice du documentaire "Les Passionnés", sur les soufis tunisiens.
Croyance populaire et pacifique
Le soufisme est un islam maraboutique où Dieu est invoqué à travers le chant et la danse, une croyance populaire pacifique et spécifique à la Tunisie et au nord de l’Afrique. "Devenir soufi, c’est passer de gourmand à gourmet", fait image Samir, la cinquantaine et membre de la confrérie soufie de Sidi Belhassen, l’un des saints soufis les plus vénérés en Tunisie.
"Le jeûne et la prière, par exemple, sont les bases de la religion, mais pour se rapprocher de Dieu, il faut un minimum de théologie. ( ) Les wahhabites sont les plus ignorants dans l’islam. Leur pensée est dangereuse. Ils nous détestent, mais cela ne veut pas dire qu’ils vont aller jusqu’à mettre le feu", estime cet homme à l’air bourru. "Ils voudraient fermer ces lieux pour changer les mentalités mais ce n’est pas comme ça que cela marche."
autor: Julier Schneider
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