Elle a fait un choix. Elle en a, par la suite, fait un mode de
vie. Karima Skalli ne compte pas changer sa ligne artistique, pour
plaire à un marché fluctuant. Elle veut surtout prendre le chemin d’une
militante pour l’amour universel et la passion transcendantale.
Et pour ceux qui ressassent le cliché «c’est le public qui choisit », elle réplique constamment par cette image de la communion entre ce chant soufi et le grand public, un peu partout. A Ouarzazate, Libé a rencontré l’artiste. Entretien.
Des douces soirées de Ouarzazate aux beaux jardins des Oudayas, la même saveur et la même ferveur. Comment vous sentez-vous sur scène?
Karima Skalli : Tout d’abord, j’ai l’honneur de prendre part à ces manifestations artistiques et culturelles. Je suis invitée en fonction de ce que je fais, avec des poètes et musiciens. Ce sont des invitations qui émanent d’organisateurs de festivals et rencontres qui prennent conscience de ce type d’art. Tous ceux et celles qui sont convaincus que la poésie nous unit à la passion, ne peuvent qu’aimer cette expression.
Qu’est-ce que vous avez interprété de particulier ?
Pour ma participation aux différentes manifestations cet été, elle relève surtout d’un sentiment réel de contribuer à la prolifération de ce genre d’art, dans le sens où j’interprète non seulement des chansons, mais toute une culture, une civilisation et un mode d’existence, une sorte d’interprétation de la pensée, de l’amour et de la musique sublime. Ainsi, j’ai interprété quelques morceaux d’une œuvre que je viens d’achever et qui se base sur la poésie d’Ibn Arabi et d’Ibn Zaydoun.
L’on prétexte souvent que les goûts des gens ont changé, et que le genre que vous chantez n’est plus à la mode. Qu’en pensez-vous?
Dans tous les cas, je ne pourrai jamais travailler sur commande. Tout ce que je fais émane d’une inspiration profonde et d’une passion certaine. Je ne suis pas là à guetter les commandes d’un marché «préfabriqué», car je suis bel et bien engagée dans une expérience, bien étudiée et qui ne manque pas de public. Il suffit de voir comment les gens accueillent ce genre de chant à Ouarzazate, Fès, Rabat ou Marrakech ou même à Paris et Bruxelles, pour en voir l’impact. Ce n’est pas un travail régi par l’offre et la demande, c’est surtout une vision culturelle stratégique qui m’inspire depuis toujours et cette quête ne s’arrêtera pas. Pour moi, la poésie soufie est un monologue, un dialogue et un souffle qui me permet l’identification, le repère et partant cette voie de partage.
C’est un choix donc?
Même pas. Je n’ai pas à choisir. Il s’agit d’un appel profond au niveau intérieur, et avant tout, cela reste l’œuvre d’une inspiration. Il y a eu d’abord cette participation à Fès, en 2000 et de là, j’ai approfondi ma connaissance surtout avec notre patrimoine du Samaa et de la belle poésie. J’ai trouvé un plaisir incommensurable à pénétrer un monde où l’art n’est qu’une partie d’un mode de vie. C’est ainsi que la connaissance permanente me permet de suivre cette quête extraordinaire. J’avais chanté Layla, symbole de l’amour et que les soufis ont emprunté pour fêter l’amour et j’ai fait Abou El Hassan Chouchtari, prince andalou, dont la poésie reste une perle rare.
Et la recherche au niveau du patrimoine?
La richesse est là, c’est comme s’il y a de l’or, mais qu’est-ce qu’on va faire avec ? La recherche ou la découverte, c’est une fouille permanente pour modeler. Il s’agit d’un projet interminable qui mérite l’intérêt de plusieurs artistes à la fois, et l’on ne parviendra jamais à bien le cerner, car nous sommes face à un monde d’idées et de réflexion. Moi, je ne m’en lasse pas du tout.
Il y a certes certaines contraintes, mais elles m’incitent à déployer davantage d’efforts. En fait, mon expérience était individuelle au niveau de la production et du travail. Je dois donc faire des recherches personnelles et travailler techniquement ma voix, parce qu’il n’y a pas vraiment de producteurs pour ce genre d’art… Le marché s’oriente de plus en plus vers l’aspect commercial.
Cela reste évidemment difficile?
Le mot « facile » détruit l’œuvre à ma connaissance. Il faut savoir que tout projet nécessite toujours un travail de construction. Une recherche approfondie et méticuleuse est nécessaire avant d’entamer cette phase de production. Je ne trouve pas la voie facile, mais il y a toujours cette inspiration, cette passion, cet appel qui me propulse pour aller de l’avant. L’effort et la souffrance, l’expérience, les contraintes sont un tremplin magnifique pour tout artiste qui sait les mettre de son côté. L’objectif est d’aller au bout de soi-même, chaque épreuve doit donner plus de force pour ce combat.
Quand on chante l’amour?
L’élévation et la transcendance méritent bien un chant … c’est un appel aux âmes nobles, à cette partie que toute personne possède, il suffit de l’interpeller et de la secouer … Nous devons transporter le public vers une connaissance sublime, un goût élevé et un art de qualité. L’aboutissement est cette communion avec l’autre et cette énergie renouvelable à chaque fois que vous chantez et enchantez un grand public. L’artiste a aussi une mission qu’il ne faut pas oublier.
Vous êtes bel et bien dans une pensée universelle ?
L’amour c’est ma nature, la vie, en général, nous invite à plus de sollicitude pour les bonnes choses. C’est ce retour aux sources, aux vérités que constitue depuis toujours la pureté naturelle de la naissance. Nous devons faire face à tout ce qui pollue nos espaces. On veut bien que cet amour nous «protège». Il y a la liberté dans l’espace, sans pour autant avoir peur d’aller vers les cimes.
Mardi 3 Septembre 2013
sursa: liberation.ma
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