AFP - "Bienvenue dans la maison de l'Amour": installé au fond
d'une ruelle dans un village de la petite île méditerranéenne de Chypre,
un sage soufi attire des milliers de pèlerins venus du monde entier,
dont nombre de convertis.
Cheikh Nazim, qui a fêté en avril ses 91 ans, est "l'un des maîtres
les plus connus en Occident" de l'ordre des Naqshbandi, un mouvement
soufi né en Asie centrale au début du deuxième millénaire, explique
Thierry Zarcone, spécialiste de l'islam au CNRS.
Le soufisme est la mystique de l'islam, une façon de pratiquer axée
sur l'irrationnel et la recherche d'une relation personnelle avec Dieu,
notamment par la méditation, plutôt que le respect des interdits et
obligations. Il est décliné par de nombreuses confréries aux pratiques
variées.
Les Naqshbandis sont l'une des principales confréries soufies et
l'une des plus austères, en raison de leur respect scrupuleux de la
charia (loi islamique).
Mais Cheikh Nazim en dirige une branche plus flexible, les
Naqshbandi-Haqqani, qui sont omniprésents sur internet et très implantés
en Europe et aux Etats-Unis, où ils ont conquis de nombreux convertis.
La pratique soufie "m'a apporté un sentiment de satisfaction que ni
ma vie ni mon travail ne me fournissaient plus", explique Jehan Ragab,
une Italo-égyptienne qui décidé d'abandonner un bon poste à l'ONU et de
se voiler pour devenir une disciple de Cheikh Nazim.
Au début, "ma famille a eu du mal à comprendre, car (...) je faisais
ce travail si vital et tout d'un coup j'ai senti qu'il y avait quelque
chose de plus important", raconte paisiblement cette quadragénaire
célibataire, qui s'est installée il y a plus de trois ans à Lefke, dans
la partie nord de l'île occupée par la Turquie. Elle y mène une vie
simple rythmée par les cinq prières quotidiennes et les Dhikr, séances
hebdomadaires de méditation.
Elle habite près de la derga, la maison commune où des dizaines
d'adeptes en turban partagent repas, travaux agricoles, tâches ménagères
ou autres services à la communauté -- les hommes d'un côté, les femmes
de l'autre, avec la famille de Cheikh Nazim.
Ce dernier, dont le regard perçant s'est brouillé avec l'âge, sort
régulièrement en fauteuil roulant et prononce depuis sa chambre des
sermons mis en ligne régulièrement. Mais il n'anime plus lui-même les
prières.
Prêche aux accents de talk show
La porte est ouverte, et le visiteur invité à partager l'un des deux
repas quotidiens dans les cours intérieures regorgeant de fleurs et de
fruits. Disciples installés sur le long terme, pèlerins de passage,
voisins venus demander une intercession ou un service, le passage est
incessant.
Ce jour-là, des Allemands, Italiens, Suisses, Américains, une Russe
et une Pakistanaise, un Belge ainsi que des Turcs et des Chypriotes,
entre autres, convergent vers la petite mosquée de la communauté pour
une prière suivie d'un prêche sur "l'Amour réel", celui de Dieu.
"Il y a ici des gens d'origine musulmane et des convertis, nous ne
faisons pas de distinction", souligne Baha'uddine, fils cadet de Cheikh
Nazim, qui a assuré en anglais, la langue commune, ce prêche aux accents
de talk show, blagues et anecdotes à l'appui.
"Nos communautés les plus actives se situent en Europe", notamment à
Londres, explique-t-il, citant aussi Istanbul, Los Angeles ou le
Michigan. Il se refuse à évaluer le nombre de disciples de Cheikh Nazim,
et il n'existe aucune statistique sur eux.
Un des gendres du maître, Cheikh Hisham Kabbani, promeut activement
son enseignement aux Etats-Unis depuis les années 90. Il a également
lancé, en réaction aux attentats de Londres en 2005, un Conseil des
musulmans soufis, afin de porter "la voix de la majorité silencieuse"
des musulmans modérés dans la sphère politique, face à un islamisme
radical en pleine expansion.
"C'est une tentative de développer l'islam dans le monde occidental",
explique M. Zarcone. "Il intéresse surtout des personnes qui sont
attirées plus par une spiritualité musulmane que par l'islam, et va
naturellement leur servir un islam assoupli".
"Cet aspect peut intéresser des convertis mais déplaît beaucoup au reste du monde musulman", souligne-t-il.
Certaines cérémonies sont par exemple mixtes et comprennent
ponctuellement un recours à des instruments de musique et à des
mouvements de danse, proches de ceux des derviches tourneurs de l'ordre
soufi Mevlevi -- des pratiques souvent critiquées.
sursa: france24.com, 27 Octobre 2013
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